Les images en de courtes scènes s’emboîtent, se complètent et esquissent un récit qui est au cœur du geste premier de la photographie. Observer la mort comme la vie au travail. Le personnage dont nous faisons la connaissance est soigné dans un milieu hospitalier, mais ce récit-là, assez répandu, de l’homme en souffrance ne suffit point pour en cerner plus avant les dimensions singulières. Et Tony Kunz transgresse avec un certain bonheur espiègle, et paradoxal en de telles circonstances, les codes du portrait de malade. Il place son personnage sur d’autres scènes de son existence. Et quelle surprise de découvrir son tonneau de Diogène, où il pose casqué. La provocation est joyeuse et paraît se nourrir du cynisme ludique du philosophe grec. Mais la charge métaphorique de ces images est de taille, quant à considérer cet ordre fait d’un désordre considérable propre au dérèglement de tout un univers, de toute une vie.
Visage grave, visage masqué, présence muette et sérieuse. Puis ce saut encore dans une autre dimension de la mise en scène, celle voulue par le personnage peut-être, l’énigme pour ce qui concerne le pacte passé entre le photographe et l’homme reste entière. Celui-ci est allongé sur le dos en pleine nature et tient dans sa main ce qui doit être un déclencheur à distance d’un possible appareil photographique. S’agit-il dès lors d’un dispositif d’autoportrait que saisit Tony Kunz ? L’homme couché met-il le feu à lui-même, lui que l’on voit ensuite tout auréolé de fumée? De quel fantasme ce jeu se nourrit-il, sinon de celui de l’enfance dont les jeux ont le goût de l’innocence ingénue, seule à même de mettre en échec le temps qui abuse des corps et des esprits, ultime parade afin de tenir à juste distance en un miroir spectral la mort qui va et qui vient. Afin de conjurer la peur du Wolf ?
Jean Perret - Chroniqueur photo dans La Couleur des Jours
Exposition + Prix : Lauréat du prix Focale - Ville de Nyon 2016, Galerie Focale Nyon/Suisse